Le journalisme mène à tout et on vous retrouve auteur d’une comédie musicale «Asker Ellil» ou «Les années folles»…
Oui, le journalisme mène à tout à condition de savoir s’en sortir… Au fait, j’ai écrit le livret de cette comédie musicale. C’est un genre particulier qu’on n’écrit pas généralement en Tunisie. En ce qui me concerne, j’ai toujours «commis» des livres, des romans et des essais. Jusque-là, j’ai publié une dizaine de livres et une pièce de théâtre mais là j’ai senti le besoin d’écrire une comédie musicale sur un sujet particulier qui se rapporte aux années folles, précisément à la fin des années 20 qui finissent universellement avec la crise de 1929. En Tunisie, pendant la Première Guerre mondiale 90.000 Tunisiens étaient embarqués pour le front et après, c’était Les années folles mais aussi les «Junun» de l’après-guerre : le syndicalisme, le chant, la danse, la libération de la femme. Tout cela s’est fait de manière concomitante par rapport à l’Europe.
Dans cette comédie musicale j’ai pris une période qui a disparu, qui appartient au patrimoine immatériel et qui est celle de «Asker Ellil» (les soldats de la nuit). Il s’agit de plus d’une centaine de personnes qui sortaient la nuit, qui étaient pratiquement des bohémiens venus de divers horizons essentiellement intellectuels. «Asker Ellil» étaient des fans de certaines divas (il y en avaient une trentaine) dont Habiba Msika qui était la plus fameuse et qui était assassinée à l’âge de 27 ans en 1930. Mais il y avait d’autres fans de Leila Sfez, Fathia Khairi, Julia Marseillaise, Douja Jben, etc. Moi, j’ai pris quatre personnalités de ces divas :Habiba Msika, Fathia Khairi, Chefia et Hassiba Rochdi ainsi que huit personnalités parmi les soldats de la nuit. Abderrazak Karabaka, Abdelaziz El Aroui, Ali Douagi, Hédi Laabidi, Jamel Eddine Bousnina,Jaleleddine Naccache, Mahmoud Bourguiba et Mustapha Khraief. Puis j’ai rajouté d’autres personnalités qui vivaient à Tunis et qui se réunissaient à Halfaouine.
Que s’est-il passé après le mouvement de «Asker Ellil»?
En effet, il n’y a aucun livre écrit sur Asker Ellil mais ces mêmes soldats seront, plus tard, la matrice du mouvement «Taht Essour» à Bab Souika et tous les deux ont conduit à la fondation de la Rachidia en 1934. J’ai essayé de reproduire le climat d’époque avec des mises en situation historiques dans le genre comédie musicale. Et ce genre obéit à la règle des trois menaces : il faut savoir jouer la comédie, danser et chanter. Le problème, c’est que si on tombe trop dans l’un ou l’autre on risque de virer de bord. Mais il y a un dosage à faire… Comme le font si bien Fred Aster, Barbara Stressand, Olivia Newton, John Travolta ou Garou… ce sont des gens qui ont la chance de pouvoir faire les trois choses à la fois.
Avez-vous effectué des recherches sur «Asker Ellil» ?
J’ai fait un travail de recherche approfondie sur l’époque et essentiellement à travers les journaux parce que le journaliste reste le principal témoin du XXe et du XXIe siècle. C’est aussi un romancier de l’instant…. A condition de savoir fouiller et j’ai mis deux ans à faire des fouilles sur le phénomène «Asker Ellil». C’est un travail qui m’a coûté beaucoup d’argent mais nous sommes embraqués dans cette aventure plus d’une trentaine de personnes dont 24 acteurs, chanteurs et chorégraphes. Je suis très content des premières représentations et de la réaction du public. Comme disait de Gaulle à la libération de Paris «La France est rentrée chez elle !» moi je veux que la Tunisie rentre chez elle en retrouvant cette époque avec ses musiques, ses intonations et ses métriques qui accompagnent le chant et qu’on appelle «Hsous». C’est un univers qui n’a pas été malheureusement restitué de manière artistique et esthétique. Le spectacle a été mis en scène par Mourad Gharsalli, Siwar Ben Cheikh est la responsable des costumes et de la scénographie avec Ahmed Rezgui. Noureddine Ben Aicha a travaillé sur la musique entre autres.
Qu’est-ce qui vous fascine le plus dans cette époque ?
C’était une époque fondatrice pour la société tunisienne moderne comme la libération de la femme. Habiba Msika dans ce sens était un véritable feu follet… Il y avait aussi la naissance du mouvement syndical tunisien et beaucoup de personnes appartenant à «Asker Ellil» étaient des partisans de Mohamed Ali Hammi… C’était une époque où la Tunisie prenait sa conscience politique (fondation du parti communiste et du Destour). C’était l’époque de la fondation de la Rachidia et des journaux qui constituent aujourd’hui un patrimoine important. C’était une période matricielle !
MAAMAR ALI
29 mai 2019 à 13:50
Il est bien dommage de ne pas pouvoir y assister aux représentations hors de Tunisie!N’y aurait-il pas moyen d’en faire des enregistrements et permettre aux vieux tunisiens exilés d’en profiter?
J’ai beaucoup d’admiration pour Soufiène qui est un très grand journaliste avec une mémoire encyclopédique et un esprit critique aigu et de bon sens.J’ai 89 ans et vécu à Bizerte jusqu’en 52,et j’ai connu cette période de la Tunisie si faste et où nous avons tous participé avec enthousiasme à la lutte pour son émancipation culturelle et son indépendance.
Est-il possible d’avoir les différentes publications de Soufiène depuis la France?Je ne rate aucun de ses articles dans la presse,sinon l’adresse en Tunisie où un membre de ma famille pourrait y accéder.Merci d’avance.
Thouraya Jegham
2 juin 2019 à 12:58
C’ est magnifique ce que vous avez fait .Bravo Soffiène Ben Farhat . J’irai la revoir une autre fois ncha Allah